11 < 21

11 est plus petit que 21, comme l'affirmera n'importe quelle personne ayant une élémentaire maîtrise de la relation d'ordre totale usuelle sur le corps des nombres réels.

[Non, ceci n'est pas un cours de maths.]

Je suis parfaitement consciente de ce que j'ai écrit dans le message précédent ; cependant je m'en vais inaugurer les lieux en narrant une parcelle de ma vie, que j'ai envie de partager avec ceux qui voudront bien prendre la peine de lire ce post.

11 et 21, comme deux jours du même mois, un mardi et un vendredi.
Deux journées pas vraiment ordinaires, sinon comment expliquer qu'elle ait marqué une gamine de pas encore dix ans et demi au point qu'un peu plus de deux fois plus âgée elle s'en souvienne avec une certaine précision ?

[Oui, oui, elle parle d'elle à la troisième personne. La classe, non ?]

Très peu de personnes en état et/ou âge de comprendre quelques notions basiques d'histoire, de politiques ou d'actualité ignorent ce qu'il s'est passé le 11 septembre 2001. Rappeler que 2966 personnes de 8 nationalités ont perdu la vie dans un acte terroriste aux proportions inédites, orchestré en quatre vagues parallèles dans des avions en provenance de l'Europe et en direction des Etats-Unis d'Amérique, rappeler l'onde de choc qui a traversé les pays occidentaux devant cette manifestation de puissance et d'éveil au grand public d'un nouveau terrorisme islamiste mettant en danger l'hégémonie américaine sur le globe, rappeler les dégâts matériels, psychologiques et les milliers de blessés, rappeler les conflits stériles, notamment en Afghanistan et en Irak qui en ont découlé, causant bien plus de victimes que les attentas initiaux, rappeler tout cela ne servirait probablement à rien.

L'élève, tout récemment entrée que en sixième, que j'étais se souvient d'une camarade pendant la récréation de l'après-midi, lui expliquant une histoire assez incompréhensible à propos d'avions et de tours, loin, de l'autre côté de l'Atlantique. Ainsi que d'une soirée stupéfaite devant le poste de télévision à écouter maintes fois le récit des faits et des analystes tentant d'expliquer les tenants et les aboutissants alors que la liste des victimes s'allongeait, que les politiciens français multipliaient les annonces pour assurer leurs concitoyens de leur sécurité.


Davantage de gens ignorent, ou ne se souviennent plus des événements qui se sont déroulés dans le sud-ouest de la France dix jours plus tard, et nul ne saurait les en blâmer. Dans un climat tout à fait imaginable de choc, sécuritaire, d'indignation et d'une peur diffuse, les événements de cette journée m'ont marquée davantage, et je suis certainement loin d'être la seule dans ce cas-là, que les attentats des tours jumelles du World Trate Center.
Imaginez donc, à la fin de la récréation, matinale cette fois, que la sonnerie ne sonne pas et soir remplacée par des annonces demandant de se rester cloîtrée à l'intérieur des bâtiments jusqu'à nouvel ordre. Parmi de jeunes collégiens, encore secoués par les événements de la semaine précédente, concoctent les pires théories, à base d'attentats explosifs et d'avions détournés.

Après de très longues minutes d'attente, dans la panique et l'anxiété, le bruit circule à propos d'une explosion à Toulouse qui aurait dégagé des fumées toxiques dans l'atmosphère. L'inquiétude s'accroît encore, ainsi que la crainte d'un attentat, et se porte naturellement sur les parents (ont-ils été avertis ? sont-ils en danger ?), ainsi que sur la santé du chien d'une amie d'alors que l'on imagine déjà asphyxiés par des vapeurs nauséabondes et toxiques (à contre-coup, c'est très drôle ; à chaud, on stressait à mort pour la pauvre bête).

Un peu plus tard, alors que l'attente s'éternise dans le hall du collège, le proviseur-adjoint tente une sortie à travers à la cours, et en revient vivant et visiblement capable de respirer.
L'alerte est levée peu après et les cours reprennent leur cours (non, ça ne s'invente pas).

Je ne connaissais aucune des 30 victimes de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, seulement quelques amis qui ont eu les vitres soufflés et quelques dégâts mobiliers, et hier cela faisait, jour pour jour, onze ans.


[Tout compte fait, je n'ai pas la moindre idée de la raison pour laquelle j'ai raconté ça, probablement parce que j'y pensais récemment, j'imagine. Peut-être aussi parce que, ce lundi, un nouveau procès va avoir lieu pour déterminer les responsabilités, jusque ici restées bien floues, de ce dramatique accident.]

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