Considérations sur la religion, les ruminants et Bob Marley. Et sur l'alimentation.

 Dès l'Antiquité, le régime alimentaire de certains est guidé par conviction plutôt que par nécessité, à l'instar des philosophes grecs Théophraste et Platon, des penseurs romains Plutarque et Virgile.

Au-delà de ces exemples individuels, néanmoins, cette conviction est plus largement portée par les religions qui se développent et s'épanouissent durant cette période.

Pour les "occidentaux" que nous sommes, cela évoque largement l'Islam, et la viande dite halal (permis, en arabe) - qui doit respecter certaines règles à propos de l'élevage et de l'abattage de l'animal dont elle provient, entre autres, ainsi que le judaïsme et son code alimentaire, la cacherout - dont provient le terme kasher (convenable, en hébreu) - qui concerne autant les aliments d'origine végétale qu'animale, voire le christianisme - des restrictions alimentaires, quoique moins nettes (comme "vous ne mangerez point de chair avec son âme, avec son sang."), se trouvent également dans la Bible, et sont à la base du régime alimentaire dit Ital de certains des Rastafari (vous savez, les gens avec des dreadlocks, vous avez peut-être entendu parler d'un certain Bob Marley ou de Hailé Selassié. D'un des deux au moins.).

Pour élargir cette vision, c'est vers l'Inde qu'il faut se tourner, le pays où le végétarisme, le fait de ne pas consommer de viandes et de poissons est le plus répandu (selon certaines études, plus de 80% de la population ne consommerait ni chair animale ni œuf), tout en n'étant pas exactement un des états les moins peuplés du globe. Les principales religions, en particulier, l'hindouisme, prônent l'alimentation végétarienne comme la norme, via le concept de l'ahimsa (respect de la vie ou non-violence, en sanskrit, qui fait apparaître les liens certains existant entre le végétarisme et la lutte pacifiste. Gandhi, anyone ?), dont un des principes est de ne blesser aucun être vivant.


De nos jours, nombreux sont les individus qui, indépendamment de toute attache religieuse, choisissent de souscrire au végétarisme, voire au végétalisme - ajoutez au végétarisme le fait de n'ingérer ni oeuf ni lait, ni plus généralement tout produit provenant d'une production animale (par exemple, les larmes de crocodile).

Diverses raisons peuvent pousser à ce choix, le fait que la consommation, surtout excessive, de viandes puisse entrainer une hausse du risque de développer certaines pathologies, telle la maladie d'Alzheimer, ou des problèmes cardio-vasculaires, le refus de consommer ce qui jadis fut vivant - retirant ainsi aux archéologues des temps futurs la possibilité d'autopsier ces étranges mets, la prédiction du devin du village lors de la lecture d'entrailles de poisson, à défaut de sanglier, que la mort surviendra par étouffement via des os de lapin, par tradition familiale, pour ne pas vexer la tyrannique tante Suzie, ou tout simplement, parce que la viande, et surtout, surtout, le foie de morue, ça n'a pas très bon goût.


Toutefois, dans la plupart des cas, cette décision est basée sur des raisons éthiques et parfois environnementales, ainsi que sanitaires.

Environnementales, tout d'abord, car la production de viande a des conséquences non négligeables pour l'environnement, pour l'abattage, la conservation, le transport (même si c'est aussi vrai pour nombre d'aliments à base végétale, faut-il le souligner), car la pêche extensive dans les océans est désastreuse pour la l'avenir de la faune marine et la survie d'espèces endémiques, car les vaches rejettent dans l'atmosphère une quantité effarante de méthane, car l'introduction aléatoire d'espèces peut dévaster la biodiversité autochtone - à l'instar du désastre écologique causée par l'introduction de la perche du Nil dans plusieurs lacs africains, car pour présenter toutes ces choses qui théoriquement se mangent, des prospectus, des affiches et des tracts, il faut en distribuer, et des arbres en couper...

Sanitaires, ensuite, parce que la qualité de nombre de produits, en particulier ceux dits discount, est plus que douteuse : qu'y a-t-il vraiment dans de la chair à saucisse, des bâtonnets "goût crabe", du steak haché "garanti minimum 50% porc" ou des nuggets (qui sont généralement de la bouillie d'os, jetez donc un oeil ) ?

Éthiques, enfin, last but not least, car pour manger de la chair animale, y compris du poisson pané, il faut tuer une créature vivante. "De quel droit l'être humain s'arrogerait-il ce privilège ?" s'insurgent certains. Manger une aile de poulet, c'est avoir la mort d'un huitième de volaille sur la conscience, gober un oeuf, c'est annihiler la promesse de vie d'une docile créature parfumée au bec acéré, boire un verre de lait, c'est condamner un hypothétique veau à une cruelle mort par inanition.
Éthiques, surtout, au regard des conditions inhumaines, et également probablement inanimales, et la souffrance qu'elles engendrent, dans lesquelles sont traités la plupart de ces animaux qui atterrissent en morceaux dans nos assiettes : des centaines de volailles amassées dans un hangar insalubre, dont le but de l'existence est de pondre, pondre et pondre encore, des troupeaux de vaches que l'on alimente à l'aide de farines animales, des poissons condamnés à passer l'intégralité de leur existence sous l'eau (heureusement qu'ils ont des branchies, ceux-là), ou encore des porcs engraissés heure après heure jusqu'à leur programmée exécution. Et que dire de la production de foie gras, au cours de laquelle des oies et des canards sont gavées jusqu'à étouffement, à l'opposé de toute décence, arguent certains ? Pas grand chose en effet, si ce n'est qu'il s'agit d'une pratique ancestrale qu'il ne faut pas juger trop hâtivement, à l'instar de la corrida, et que ce n'est vraiment pas mauvais...


Nonobstant ces raisons et justifications que d'aucuns trouvent plus ou moins avérées, on peut se demander si le végétarisme et ses déclinaisons  ne sont pas simplement un moyen de se donner bonne conscience, une mode ou une technique d'approche sur des sites de rencontres en ligne.

En effet, pourquoi refuser de manger de la viande, sous prétexte que cela aura coûté la vie d'organismes vivants, et accepter d'ingurgiter des œufs, quand ceux-ci auraient, dans l'absolu, pu donner vie à un poussin (ce n'est pas le débat sur l'avortement, mais pas loin, non ?) ? Et pour aller jusqu'au bout de l'idée, les plantes sont également des organismes vivants : manger des carottes (mais pas des tomates, des haricots ou des figues) c'est dramatiquement amputer l'existence d'autant d'organismes...

Au-delà de ces misérables tentatives d'argumentation très légèrement spécieuses, tout en restant dans le même domaine, l'être humain est considéré comme un animal, et est donc part entière de la chaîne alimentaire. Parce que, oui, dans la "nature", les animaux se mangent les uns les autres. Pas tous, certes : les ruminants (à différencier, ici, des mastiqueurs de chewing-gum) se contentent d'herbes (et possiblement d'une paire de mouches, et d'un bout de chardon) de temps à autre) lorsqu'on décide de leur épargner les farines suscitées et n'ont guère de prédateurs "naturels", notamment dans le cas des vaches (mais ce sont des animaux d'élevage donc qui ne rentrent guère en compte dans ce raisonnement). Néanmoins, nombre d'espèces sont carnivores et nombre d'espèces font partir du gibier d'un animal plus grand, plus gros et plus méchant.
L'homme, du fait de sa technologie avancée (sa capacité à produire du papier toilette et des Nintendo 64, notamment), ne ferait donc plus partie du règne animal, s'élevant au-dessus de sa condition de simple créature pour devenir le guide ou juge suprême, qui par pitié pour ses disciples, juge bon de les épargner.


Malgré tout, comme évoqué plus haut, le refus du tuer ou de maltraiter des animaux est intimement lié avec le refus de tuer ou de maltraiter des êtres humains (car, effectivement, comme évoqué plus haut, l'ensemble des êtres humains est inclus, strictement - les marsupilamis ne sont pas des êtres humains, dans l'ensemble des animaux), autrement dit avec la non-violence, et dans cette optique-là, ces occultes pratiques semblent largement justifiables.


Ayant commencé avec la religion, je vais terminer avec le diable, dont je me suis faite l'avocat à plus d'une reprise, par jeu, par amour (relatif) du débat et de la controverse, par (auto-)dérision, souvent, et par manque de conviction, parfois. Les opinions trivialement énoncées ici ne sont que très rarement mes profondes convictions (si tant est que j'en ai), et je vous serai fort gré de ne point en prendre ombrage (en revanche, prenez Dolores si vous le souhaitez).
Je ne suis pas végétarienne, et je ne me suis jamais renseignée outre mesure sur ce sujet, ce qui pourrait expliquer les inévitables inepties qui parsèment ces lignes.

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