Jours fériés (1) : de la fréquence des aqueducs.

Les huitièmes et neuvièmes jours du mois de mai de l'an grâce deux mille treize, un mercredi et un jeudi, sont à marquer d'une éclatante pierre blanche pour les paresseux (non, pas les singes !) qui sommeillent en nous ou ceux qui se languissent simplement d'un peu de repos ou d'un moment d'évasion (une expédition sur l'autoroute locale par exemple).

Il s'agit en effet de deux jours fériés consécutifs (deux jours ouvrés feriés consécutifs avant qu'un petit malin ne fasse erronément remarquer le dimanche et le lundi pascaux. Les dimanches ne sont généralement pas considérés comme des jours fériés.), ce qui est une occurrence assez peu fréquente, dans la patrie de tous un tas de monarques et tyrans absolus (à ce propos, saviez-vous que durant le Premier et le Second Empire, le 15 août était également fêtée la Saint-Napoléon ? Moi non plus.), supposément hexagonal, qui est apparemment la mienne.


En France métropolitaine, à l'exception de l'Alsace et la Moselle où le Vendredi Saint et le 26 décembre (ruinant ainsi toute la démonstration qui suit ! Ils sont fous ces alsaciens !) s'ajoutent à la liste, sont fériés par ordre approximatif ( id est à une ou deux permutations près) le 1er janvier (généralement le premier jour férié de l'année), le lundi de Pâques, le 1er et le 8 mai, le jeudi de l'Ascension, le lundi de Pentecôte (selon les années et les entreprises), le 14 juillet, le 15 août (peu connu des écoliers, étrangement), le 1er et le 11 novembre et le 25 décembre, ce qui fait onze journées chômées.

La majorité, six d'entre eux, ont une origine religieuse (même si nombre de laïcs en profitent volontiers) - le 15 août étant le jour de l'Assomption, la théorique montée au ciel de la Vierge Marie, le 25 décembre la date aléatoirement choisie pour célébrer la naissance de Jésus de Nazareth. Origine religieuse se limitant au christianisme (et encore, les protestants ne célèbrent ni la Toussaint, ni l'Assomption), religion "traditionnelle" en France, sans qu'aucune des fêtes juives ou musulmanes (à l'instar respectivement de la Pessa'h (la Pâque Juive) ou de Yom Kippour (le "Jour du Grand Pardon", le plus sacré du calendrier) pour le judaïsme, l'Aïd al-Fitr (marquant la fin du Ramadan) ou l'Aïd el-Adha (la "fête du sacrifice", commémorant les actions d'Abraham, prêt à sacrifier son fils qui est sauvé par l'intervention d'un ange [épisode par ailleurs également présent dans la tradition chrétienne])).

Les cinq restants se répartissent entre commémorations militaires - les armistices des deux conflits généralement connus sous la dénomination "Guerre mondiale", la fête nationale du 14 juillet, anniversaire d'une fameuse prise de la Bastille - et célébrations du nouvel an et du travail.

Trois sont mobiles, mais liés entre eux ; huit sont immobiles.
Il s'agit donc d'un système à un degré de liberté.


Le calcul de la date de Pâques a occupé les théologiens, savants, mathématiciens et curieux pendant des siècles, et reste aujourd'hui encore d'un obscurantisme ayant peu à envier aux plus sombres jours de l'Eglise.
Lors du concile de Nicée, en l'an 325 de notre ère (des siècles, que dis-je des siècles, des millénaires !), le dimanche de Pâques fut défini comme le dimanche suivant la première occurrence d'un quatorzième jour de lune à compter du 21 mars, date symbolisant l'équinoxe de printemps. Une fois la phrase précédente assimilée (en fait, c'est assez simple. L'expliquer, c'est une autre histoire.), la nécessité de compliqués algorithmes faisant intervenir de techniques paramètres - l'épacte, le nombre de jours à ajouter au calendrier lunaire pour obtenir le calendrier solaire ou le nombre d'or qui dépend du cycle de Méton, d'une approximative durée de dix-neuf ans - semble assez incompréhensible.

Le problème réside dans le fait qu'on ne considère pas la sphère que l'on aperçoit de tant à autre dans le ciel et sur laquelle le capitaine Haddock est allé faire un petit tour, mais une lune fictive, appelée lune ecclésiastique (et dont la trajectoire repose sur le susnommé cycle de Méton, qui postule qu'en dix-neuf années solaires il y a deux cents trente-cinq mois lunaires) qui établit un calendrier lunaire perpétuel.

Au final peu nous chaut les calculs atroces nécessaires au calcul de cette date.
Il en découle néanmoins que le dimanche de Pâques se situe systématiquement entre le 22 mars et le 25 avril, avec des fréquences variables. Ainsi il semblerait (d'après de courageuses personnes ayant tenu le compte) que depuis la fin du seizième siècle, Pâques soit tombé à 2 reprises un 24 mars et à 30 reprises un 16 avril.


Quelques additions permettent d'établir que l'Ascension (trente-neuf jours après Pâques) prend place entre le 30 avril et le 3 juin, et que le lundi de Pentecôte (onze jours plus tard) se promène quelque part entre le 11 mai et le 14 juin.

Par conséquent, les seules combinaisons permettant d'obtenir deux jours fériés consécutifs - respectivement confondus - sont celles où le jeudi de l'Ascension est un 30 avril, un 2 mai, un 7 mai ou un 9 mai - respectivement un 1er ou un 8 mai - (à moins que le nouvellement élu pape François ne décide de brutales modifications au sein du carcan ecclésiastique). De telles occurrences sont relativement rares mais loin d'être inexistantes : d'aucuns se souviennent peut-être qu'en 2008 le jeudi de l'Ascension fut un 1er mai et/ou que le 9 mai 2002 fut férié pour cette même raison.

A titre indicatif, entre 1901 et 2012, le jeudi de l'Ascension est tombé à cinq reprises un 9 mai, à quatre occasions un 8 mai, à trois reprises un 7 mai, deux fois un 1er mai, à une occurrence un 2 mai et jamais un 30 avril [aux erreurs de calculs près, ici comme dans certains des paragraphes précédents] ; en 112 ans, il y a eu deux jours fériés consécutifs (en tenant compte uniquement des jours fériés actuels) à 11 reprises, soit en moyenne une fois par décennie.


Et parce qu'il faut un mot de la fin, et que ce n'est pas la fin du monde, profitez bien de ces deux jours, surtout si le pont est vôtre !

4 commentaires:

  1. Je me prosterne devant ta grandeur, cher lieutenant !
    Je te suis éternellement redevable ! =D

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    1. Ah, tu sais que c'est dangereux de dire ça ? ;P

      Mais sinon, je suis contente que ça te plaise ! ;)

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  2. Excellent ! C'est vraiment un délice que de lire ta plume, d'autant plus savoureux que c'est très instructif et vachement bien documenté. Chapeau bas, moi je dis que ça sent le pinceau de maître :P

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  3. Bah voyons !
    Enfin, merci pour ce petit mot, ça fait toujours plaisir ! =)

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