De Pombie au refuge de Larribet : une course au-dessus du vide contre la météo

Peu avant cinq heures du mat', à la lumière des étoiles et d'un bout de lune...
Parce que pour une inexplicable raison (je cherche encore !), je n'avais pas jugé bon de prendre ma frontale. C'est donc parti pour une descente dans une obscurité encore bien tenace, entre mugissements des troupeaux en contrebas et gargouillements des torrents dévalant la montagne, en tentant de deviner le chemin parmi les différentes sentes... plutôt facile au début, plus compliqué ensuite... 

Il devient parfois inévitable de sortir le téléphone pour repérer les balises et déchiffrer les panneaux, et même, à corps défendant de le zyeuter en mode GPS pour s'assurer de l'itinéraire. La traversée de la forêt n'est pas rassurante, malgré une piste forestière bien tracée... ça fait du bruit de bestioles dans tous les sens, et toute seule en pleine nuit, ça fait franchement un peu flipper !

En plus, je me loupe une intersection, et plutôt que d'être raisonnable et faire demi-tour, c'est parti pour un tout droit dans un talus très vertical pour essayer de récupérer la bonne direction... puis une remontée un peu plus loin dans un autre talus tout aussi vertical pour trouver la route qui monte au col du Pourtalet.

Il est 7h du mat', le jour se lève. Dans mon dos, les nuages batifolent gentiment autour de Jean-Pierre, mais surtout s'amassent, menaçants, juste devant moi... l'orage annoncé semble se présenter bien plus tôt que les plus pessimistes prédictions. Se lancer dans l'ascension, telle est la question... surtout que je suis à l'endroit idéal pour faire demi-tour et retourner en stop à "ma" voiture.

Après réflexion, c'est partir pour la longue montée de la vallée d'Arrious, au moins jusqu'au col éponyme... l'option d'un retour beaucoup moins exposé par la vallée (voire le petit train) d'Artouste restant ouverte.

Un soupçon de saturation artificielle (#mordor) sur la photo. Le col d'Arrious est tout au bout.

JP la tête dans les nuages.

Deux heures de montée monotone plus tard, l'heure du choix. A ce moment là, je penche plus tôt pour redescendre jusqu'à Oloron, remonter en stop la vallée d'Aspe et rentrer voir un match de basket dans une salle gersoise. La météo semble très instable, et les trois passages les plus périlleux de la journée sont à venir...

Nuages omniprésents.
Une dernière de JP.

Les panneaux, bien encourageants, du col d'Arrious.

 Au col je retrouve un randonneur qui m'avait doublé un peu plus tôt. Il hésite lui aussi à poursuivre son programme (l'ascension du pic d'Arriel) vue la tête du ciel. Il me rassure un peu sur mon itinéraire et finit par se convaincre de continuer. Nos chemins se suivant pour quelques dizaines de mètres, je lui emboîte le pas, décidée à aller au moins contempler le fameux passage d'Orteig. Celui indiqué -- en trois langues -- de façon très encourageante sur les panneaux (et sans compter le papier blanc juste en-dessous qui explique qu'une partie de la main courante du passage est défectueuse et que le passage est fortement déconseillé).
 
Petit rembobinage : c'est le nom -- hérité du guide béarnais qui le "découvrit" au XIXème siècle -- d'un court itinéraire permettant de rallier le refuge d'Arrémoulit sans avoir descendre jusqu'au lac d'Artouste. C'est un peu aérien, mais équipé d'une main courante et, avec une météo clémente, des chaussures de rando, un peu de prudence et pas trop le vertige, ça se fait.
 
Lac d'Artouste avant le passage d'Orteig.

Lac d'Artouste après le passage d'Orteig. Et des moutons qui trainaient par là.

Un ouf de soulagement plus tard (quand même !), l'appareil photo ressort du sac et s'en donne à cœur joie avec les moutons, les nuages, les lacs et les sommets qui accompagne le sentier jusqu'au refuge d'Arrémoulit (pour le contexte, il est environ 9h30 !).



Le plus grand des lacs d'Arrémoulit. En bas à gauche, le refuge, en travaux. En haut à gauche, le col du Palas, prochaine étape.

Les nuages sont toujours là, mais le soleil aussi et la dégradation ne semble pas immédiate. C'est parti pour l'ascension, très rocailleuse, du col du Palas, à la frontière franco-espagnole. Cette partie de l'itinéraire est beaucoup moins mainstream que ce qui précède, une partie HRP du HRP. Mieux vaut savoir où l'on va, et c'est d'autant plus vrai une fois la bascule effectuée.

Petit coup d'oeil dans le rétro.

Je suis mauvaise langue, il y a même un panneau au col !

Il s'agit, en naviguant à vue au-dessus des étangs d'Arriel au bleu saisissant, de dénicher le Port de Lavedan, une minuscule brèche au milieu d'une barrière rocheuse.

C'est par là ! Quelque part derrière l'épaule.

On vient du col du Palas, la trouée sur la droite.

Pas évident au milieu de tous ces cailloux de trouver son chemin et de démêler les vrais cairns des pâles imitations naturelles (en même temps, des tas de cailloux, il n'y a que ça, ici). Après quelques petits demi-tours, beaucoup d'hésitations, des faux espoirs et des balises décelées sur des malentendus, la cheminée qui monte vers le Port de Lavedan se dévoile enfin. 

Un des lacs d'Arriel. Pas moche.

Le Port du Lavedan c'est ça. Et c'est beaucoup moins plat en vrai. 

Ouf. Un vrai. Parce que c'est le dernier passage "hardcore" de la rando, celui qu'il fallait à tout prix atteindre avant l'orage... même si les nuages ne sont toujours pas rassurants et la descente à venir pas des plus sympathiques, le plus dur est fait. Il est 11h15 et le refuge de Larribet à à peine plus d'une heure de marche.

Avant-dernier regard espagnol.

Dernier regard espagnol.


Retour en France.


Après un bout de descente caillouteux mais finalement assez tranquille et une pause repas au bord d'un charmant lac, direction le refuge de Larribet... alors qu'il n'est pas encore 14 heures. 

Le refuge de Larribet, bien calé.


Scène un peu cocasse en arrivant : la tête du gardien qui m'accueille me dit quelque chose, visiblement la mienne lui dit quelque chose aussi... échange de noms plus tard, il s'agit d'une connaissance de la famille, enseignant reconverti. Le monde est petit, parfois.

Pour occuper l'après-midi, lecture, déambulations dans les environs, attente de l'orage tant annoncé (spoiler : il arrivera vers 16h) et dégustation des spécialités culinaires locales... tarte et jus de myrtille notamment, le tout dans une ambiance très sympa.

La carte du refuge. 

 Ambiance qui se prolonge dans la "soirée" (terme très relatif en refuge) avec un plan de table judicieux : discussion avec un trio de femmes, plus ou moins jeunes, en vadrouille solo... deux qui traversent toute la chaîne sur plusieurs mois, une qui fait une étude architecturale des refuges pyrénéens. Et pour finir, une partie de scrabble endiablée jusqu'au bout de la nuit (un truc comme 22h). Très chouette moment.

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